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Pour la conception de Traces, nos visages (2019), l’artiste Fanny H-Levy reprend la ligne directrice du dispositif de dessin participatif NOUS, dess(e)in (2018) qui proposait à deux personnes participantes de dessiner réciproquement leur portrait sur une structure massive comprenant deux grandes fenêtres, fixées verticalement au centre d’un plateau étroit. Les participant(e)s placé(e)s l’un(e) en face de l’autre dessinaient au feutre noir effaçable sur la surface vitrée des fenêtres. Les personnes étaient alors invitées à porter un casque audio rattaché au dispositif. Ce dispositif fut créé pour les besoins de la médiation du projet InterReconnaissance à l’Écomusée du fier monde (voir onglet InterReconnaissance). On pouvait y entendre diverses voix enregistrées (graves ou aiguës, d’hommes, de femmes ou d’enfants, douces ou dynamiques, rapides ou lentes…) faisant la description de visages et répondant à la question : « Que regardez-vous pour dessiner un visage ? ». En voici un extrait : « Je suis en train de dessiner son œil droit […] je vais plutôt regarder les ombres, où se trouvent l’ombre et la lumière […] après, je fais les cils en haut et en bas parce que les cils en bas sont plus courts que les cils en haut […] ». Les indications données par l’artiste et conceptrice du dispositif étaient minimales et mettaient de l’avant le processus même de la création, ainsi que le caractère ludique de l’activité plutôt que l’impératif de résultat du dessin. Elle souhaitait ainsi laisser libre cours à l’interprétation de l’usage du dispositif et démystifier la création. En outre, le dispositif était pensé pour être modulable en fonction de la taille, de la posture ou encore de la mobilité de la personne participante.

Dans un format allégé et plus modulable encore, Traces, nos visages (2019) se déploie dans l’espace et dans sa capacité d’accueil pour la médiation de l’exposition InterReconnaissance en direction des milieux communautaires. Il comprend cinq modules placés à des hauteurs différentes, pouvant accueillir jusqu’à dix personnes simultanément. Un soin particulier est apporté à son esthétique en tant qu’objet, conçu dans l’optique d’aller à la rencontre des publics dans les milieux communautaires et l’espace public. La fenêtre entre les participant(e)s cadre le visage de manière serrée permettant ainsi de s’approcher pour mieux voir. Une feuille d’acétate est fixée de chaque côté de la vitre, les feutres à disposition sont cette fois indélébiles. Lors de la participation en suivant les « règles du jeu du dispositif », les personnes acceptent de perdre le contrôle sur leur dessin. Les visages dessinés qui apparaissent en transparence, se superposent et leurs traits se croisent et se rencontrent au fil de l’action. Les lignes dessinées se perdent en quelque sorte, par l’apport de l’autre. De ce fait, les visages réalisés individuellement ne sont plus reconnaissables : ils forment un troisième visage qui fait apparaître à la fois la singularité du moment partagé en présence, le processus commun de la création et le croisement unique de la rencontre. L’étrangeté caractérise tous ces portraits à travers leur décalage, parfois leur difformité ou même leur harmonie. Ce processus de création s’oppose à une forme lisse de représentation et laisse place à l’aspérité du vivant. Les feuilles d’acétate sont ensuite conservées —avec l’accord préalable des participant(e)s— et suspendues sur une corde dans l’espace participatif. Les participant(e)s repartent avec une copie imprimée du portrait de leur rencontre sur un papier cartonné de qualité. Ainsi, Traces, nos visages aménage un espace de création dans lequel le processus et l’action artistique sont au centre, le dispositif infiltre les différents milieux et les espaces publics afin de créer un espace de rencontres et de liens entre les personnes, de valoriser leurs singularités, de faire vivre une expérience de l’art d’être et s’apparaître, ensemble. Parallèlement, pour les besoins du film Apparaître le dispositif est repris et présenté en 2020 au Musée national des beaux-arts du Québec.

 

Autour de sa démarche de création participative Fanny H-Levy partage : « Mes actions dans l’espace public cherchent de manière anodine et par l’invitation au jeu du dessin, à faire bouger les corps, les perceptions et la pensée, à les décentrer, les perturber et à stimuler la réflexion. Dans ma pratique, dessiner c’est résister. ».

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